La Mère Poulard
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Au Second Empire, sous le règne de Napoléon III, de grands travaux sont entrepris dans toute la France pour moderniser le pays et redonner une attractivité aux régions françaises. La restauration de l’abbaye du Mont Saint-Michel par l’architecte Edouard Corroyer fait partie de ce projet. Les touristes, voyageurs et pèlerins reprennent peu à peu le chemin de la Merveille.
Sous l’abbaye, le village dont l’origine se confond avec celle du monastère reprend vie. Au pied du rocher, les maisons bâties en étagement sur les flancs sud et est redeviennent des commerces destinés aux visiteurs. Échoppes de souvenirs, hôtels et restaurants s’établissent peu à peu. C’est le cas de l’emblématique auberge de la mère Poulard.
En 1872, Annette Boutiaut est la toute jeune femme de chambre de la famille Corroyer qu’elle a suivie dans son installation au Mont-Saint-Michel. C’est alors que cette Bourguignonne de 21 ans fait la connaissance du fils du boulanger du Mont, Victor Poulard qu’elle épouse le 14 janvier 1873 à Paris. Édouard Corroyer est son témoin.
Le couple Poulard prend en gérance l’hostellerie de la Tête d’Or, un établissement modeste situé en place de l’actuel bureau de poste. Les rares voyageurs, artistes, chercheurs et hommes du monde arrivés sur le Mont au gré des marées y trouvent le réconfort d’un accueil familial et chaleureux.
Pour faire patienter ces hôtes affamés qui arrivent à toute heure, Annette entreprend de leur offrir une omelette de sa confection. Ces œufs frais cuits avec amour dans la chaleur de l’âtre sont le réconfort des visiteurs après leur chaotique périple.
Très vite, celle qu’on surnomme désormais affectueusement la mère Poulard se fait une réputation. Son hospitalité, sa personnalité authentique et généreuse et sa célèbre omelette assurent très vite la prospérité de l’établissement.
En 1888, Victor et Annette Poulard font construire un nouvel hôtel imposant et fonctionnel à l’entrée du Mont. Ils le baptisent : «À l’omelette renommée de la mère Poulard.»
C’est le lieu incontournable où se pressent les personnages illustres en visite au Mont-Saint-Michel. Princes et rois, diplomates et savants, hommes politiques ou vedettes apprécient l’accueil maternel de cette maison familiale. Georges Clemenceau lui-même est un des plus fidèles amis d’Annette Poulard.
Pourtant chez la mère Poulard, pas de portier, de réceptionniste ou de caissier. Le personnel réduit au minimum, on a affaire qu’à la maîtresse de maison.
Madame Poulard en personne accueille ses hôtes et leur assigne leurs chambres. Et quand on s’en va, c’est à elle encore que l’on demande la note. Parfois, elle accepte les œuvres des artistes en paiement de leur séjour.