DINARD, VILLE ANGLO-AMÉRICAINE
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Ce sont les Britanniques qui sont à l’origine de l’essor de Dinard. Un jour de 1852 quatre Anglais rendent visite à leur consul John Monteith établi au Prieuré de la ville. Séduits par leur visite dans ce site enchanteur, William Faber, sa femme Lyona et leurs deux enfants décident d’y demeurer. Ils louent la Villa Beauregard près du port de Dinard et font venir auprès d’eux leurs amis des «Buttes», un quartier élégant de Dinan.
En 1858, sur le promontoire du Bec de la Vallée, les Faber et les Coppinger font construire la villa Sainte-Catherine et le «Château Coppinger». Les demoiselles Surtees, petites filles d’un ancien prisonnier des guerres napoléoniennes ayant séjourné au château de Dinan commande la «Villa Trente-trois». Au fil du temps, de nombreux Britanniques franchissent la Manche sur les premiers navires de la nouvelle «Jersey Steamer Packet Company».
Le quartier anglais
Stanley Faber, le fils des premiers habitants anglais de Dinard, entreprend de faire construire une villa de sa création sur des terrains achetés autrefois par ses parents au Bec de la Vallée. En 1872, s’achève l’édification du curieux bâtiment. Destiné à être vendu, sa visite inspire à son futur nouveau propriétaire une sortie drolatique qui amuse fortement le club anglais.
Lorsqu’il entre dans le vestibule, la disposition des lieux et l’accumulation d’objets hétéroclites choque l’anglais. Devant les escaliers qui montent et descendent de toutes parts dans un décor surchargé, il s’écrie :
«My God, what a Bric-à-brac !».
Néanmoins, il achète la maison qu’il baptise « Bric-à-Brac ». Bientôt, le quartier tout entier est nommé « Quartier de Bric-à-Brac ».
En 1869-1870, Stanley Faber lance une souscription auprès de la colonie anglaise, pour faire construire un temple sur des terrains ayant appartenu à sa mère. Bientôt, le quartier anglais s’étend de la Fontaine aux chiens jusqu’au milieu de la rue principale du centre-ville.
Dans la rue Levavasseur, au coin de la rue Maréchal Leclerc s’établit l’hôtel de Provence et d’Angleterre où les Britanniques en vacances résident le temps de leur séjour. À deux pas, le débiteur de presse propose les journaux anglais que viennent chercher les grooms pour leurs hôtes d’outre-Manche.
Les clubs anglais
À la Villa Monplaisir, chez Mrs Hugues Hallett, une, riche américaine élue un été reine de Dinard, des soirées costumées extravagantes et des diners-concerts luxueux se succèdent relayés par la presse parisienne. À deux pas, à la villa Le Bocage, Monsieur Hardy-Thé, un musicien mondain animant à Paris un salon littéraire, rivalise en organisant des bals et des soirées.
À Dinard, les Anglais ont leurs clubs très fermés. Le New-Club est le lieu à la mode. Dans ce confortable et coquet établissement de dames, l’on n’accepte les hommes que par très grande faveur et seulement lorsque trois heures ont sonné.Quant aux messieurs de la gentry, ils tiennent leurs réunions en club fermé au « Dinard-Club » où ils passent la soirée en jouant au bridge et en buvant tranquillement leur whisky.
A Dinard - Le Petit Parisien - août 1921
« Il faut tout ensemble de vastes connaissances géographiques et un certain parti pris pour assurer que Dinard se trouve en France. Par ses rues, tout un peuple aux joues lavées, raclées, cuites circule en vestes rouges, jaunes, rayées, bariolées d’insignes, d’écussons aux armes des clubs d’Angleterre ou d’Amérique, qui sont les décorations de ces gaillards vigoureux.
Tout un peuple va, vient, cause, fume, brandissant des raquettes traînant des sacs de golf dont les bois et les fers émergent curieusement de leur prison de toile pour respirer la brise de la mer, eux aussi. Dans l’air parfumé de tabac miellé résonnent les hello boy, les lovely, les good bye. Les manchettes du Times se déroulent sur les murs et cet après-midi on ne peut lever les yeux sans lire : Some troubles in Silesia.
Dinard, Dinard la belle, Dinard, Nice du Nord, comme l’appellent les guides, est à la fois plage anglaise et ville américaine. Consultez votre carte, vous y verrez que Dinard se trouve à peu près à égale distance de Paris et de Londres, et l’Angleterre possède quelque chose grâce à quoi l’on peut regarder avec sérénité la longueur des distances et des notes d’hôtel, l’avantage du change. Car on ne rencontre pas seulement sur la côte des lords, des pairs, la gentry d’Angleterre, mais aussi de petites gens, la middle class, des boutiquiers de Londres, des employés du Strand. »
Article tiré du livre "Voyageurs d'hier, Paris - Bretagne -Normandie"